Au premier septembre 1957, les dirigeants de la WILAYA III, sous le commandement du COLONEL AMIROUCHE, ont pris la décision d’envoyer une compagnie en Tunisie. Cette compagnie avait pour mission de ravitailler les maquis en munitions et d’accompagner des étudiants pour leur permettre de poursuivre leurs études. Elle a été officiellement créée par le commandant SI ABDELAH Meghnem et l’aspirant « SI EL HOCINE », BADJOU HOCINE d’ADENI, à la Zaouia « Ahmed Ben Driss » à ILLOULA, au début du mois de septembre 1957.
La compagnie était placée sous la direction de « SI EL HOCINE », qui était responsable des jeunes étudiants dont la liste est jointe à ce document. Elle était également composée du sergent HAMMADI Omar, de Mohand Ameur et des djounouds Ahmed Djadjoua et Saharidj.
En début d’octobre 1957, la compagnie SI EL HOCINE quitte la Zaouia « Ben Driss » en direction de la Tunisie. Elle passe par le village d’Ait Ehocine et le col d’Ichelathen avant de faire une pause de 48 heures à la Zaouia « Abi Daoud ». Reprenant la route de nuit, elle traverse la région d’AKBOU, malgré la présence de projecteurs puissants d’une caserne militaire française. La compagnie arrive au village OUIZRANE où elle rencontre une autre compagnie dirigée par SI MOUSSI « Ouamar Ouakouche ». Après concertation entre les deux chefs, la compagnie de SI MOUSSI prendra le Sud de CONSTANTINE en passant par les montagnes des AURES et celle de SI EL HOCINE le nord constantinois.
La compagnie de SI EL HOCINE poursuit son chemin vers BENI ABES, où elle est forcée de s’abriter pendant deux jours à cause d’un bombardement intensif de l’aviation coloniale. Après l’arrêt des hostilités, le village est complètement détruit mais les moudjahidines ont réussi à abattre un avion ennemi. Après six jours de marche, en passant par la région des BABORS, elle arrive au village OULED MOUMEN au nord de SETIF, où elle quitte la Wilaya III pour rejoindre la Wilaya II par le mont SERDJ GHOUL. Là, un accueil chaleureux l’attend de la part de leurs camarades de la région. Après deux jours de repos, elle se dirige vers le nord de Constantine, une étape très pénible pour les moudjahidines en raison des difficultés à communiquer avec les autres moudjahidines de la région. À leur arrivée à MILA, la compagnie est bombardée du matin jusqu’au soir par les avions militaires ennemis, mais par miracle, aucune perte humaine n’est à déplorer. A la fin des bombardements, les Moudjahidines de la région leur ont offert du couscous, de la viande et des fruits pour les aider à surmonter cette journée d’enfer.
La compagnie avait quitté MILA en direction du nord Constantinois, mais a été informée d’un ratissage de l’armée coloniale, ce qui l’a forcée à se réfugier dans une forêt près de CONSTANTINE. Une fois le danger écarté, la compagnie a poursuivi son voyage vers l’est de la région de GUELMA, où elle a rencontré une autre compagnie dirigée par SI CHERIF, chargée de ramener des armes de Tunisie pour le maquis.
Le trajet vers Souk AHRAS s’est révélé difficile en raison de la ligne Morice, infranchissable après plusieurs tentatives avortées. La compagnie a alors envisagé de contourner par le Sud de TEBESSA, mais le sol aride de la région les aurait exposés aux attaques de l’armée coloniale. Après concertation, SI EL HOCINE a décidé de traverser la frontière tunisienne à l’endroit prévu.
Cependant, les deux compagnies se sont retrouvées devant la ligne maudite, et trois Moudjahidines ont été désignés pour couper les barbelés et ouvrir un passage pour les deux groupes. Après un travail acharné, deux grandes brèches ont été faites sur les deux lignes de fils barbelés. La compagnie SI CHERIF, composée uniquement de soldats, a traversé la première brèche, mais malheureusement, quelques-uns d’entre eux ont marché sur des mines, ce qui a entraîné un carnage. Le chef de la compagnie SI EL HOCINE a ordonné à ses hommes de faire passer les étudiants en premier en leur indiquant de marcher sur les mines déjà explosées pour éviter un autre carnage. Après un passage miraculeux de la ligne, le guide censé les ramener à destination a mystérieusement disparu. La compagnie s’est donc retrouvée dans une situation délicate, sans savoir comment atteindre GHARDIMAOU.
LE SACRIFICE DE SI EL HOCINE POUR SAUVER SA COMPAGNIE
En cette fin de mois de novembre, le temps était nuageux, et il n’y avait aucune étoile dans le ciel. La boussole était leur seul guide. Après une avancée vers l’est, la compagnie s’est égarée. Au loin, des aboiements de chiens se faisaient entendre. Ce fut une grande surprise pour eux de trouver une caserne de l’armée française.
La compagnie avait finalement réussi à éviter l’affrontement avec l’armée ennemie, mais leur situation était toujours critique. Épuisés, affamés et blessés, les jeunes étudiants commençaient à perdre espoir. C’est alors que SI EL HOCINE décida de prendre les choses en main. Il s’éloigna seul du refuge et, après avoir repéré un village au loin, eut une idée de génie : kidnapper un soldat harki pour les guider jusqu’à leur destination. Avec son arme à la main, il négocia serré avec le soldat et promit de le laisser sain et sauf s’il les conduisait à bon port. Après deux nuits de marche, le guide les amena enfin en terre tunisienne, où des camions de l’ALN les attendaient, flanqués de drapeaux algériens.
Les quarante-cinq étudiants furent accueillis en héros par leurs frères d’armes et quelques officiers, dont SI NACER, ABANE REMDANE, FERHAT ABES, KRIM BELKACEM, Youcef BEN KHEDA, OUAMRANE et MAHMOUD CHERIF. Après quelques jours passés au camp, ils furent envoyés à Tunis pour des visites médicales et ensuite orientés vers d’autres pays arabes pour poursuivre leurs études. Quant aux soldats de la compagnie, ils furent dispersés dans des centres d’instruction pour suivre des cours pratiques sur le maniement de nouvelles armes et l’initiation aux arts du combat, en vue de leur prochaine mission : alimenter les maquis de la Wilaya III en armes et munitions.
Pour SI EL HOCINE, cette mission miraculeuse lui valut une promotion au grade de Lieutenant. Après un mois et demi passé en Tunisie, la compagnie se préparait pour sa deuxième mission, déterminée à continuer à se battre pour l’indépendance de l’Algérie.
Propos Recueillis par Monsieur BADJOU HAMID fils du Chahid BADJOU HOCINE auprès de :
- Feu : Monsieur SAHI AHMED étudiant, décédé en 2008
- Monsieur AIT YOUCEF OUAHCENE étudiant, retraité de l’éducation